EXPOSITION A L'ESTAQUE
Sans moi
Je suis le fils du sourire défunt
De l'impeccable trempe
L'oasis court dans mes veines assoiffées
Et le temps ce buvard qui m'assèche
Fait luire à l'horizon les menus pas qui me précèdent
Les yeux bandés j'avance infiniment
Sans savoir la carte éparpillée du monde
Du fleuve s'élèvent les effluves qui m'orientent
Et l'avenir s'imagine seul
dans la caverne où l'esprit s'éprend de rien
Où presque
Poèmes
Dans les mains moites de l'immédiat
Que fais-tu ?
Dans la pensée limousine du temps
Qu'attends-tu ?
Dans l'ombre réfrigérée de la toute présence
Que rumines-tu ?
Tu as oublié l'eau lente
Les mandibules du présent n'ont plus de prise
Tu es l'abonné absent
Comme une feuille oubliée sur le bord de la page.
EXTASE
Envahissement des nichons de poivre
Son suc de Gésivaudan
Me pénétrait comme une brume .
Ses papilles reglues érigées de rosée
Hoquetaient.
Un jus splendide nous enveloppait
Monument de la chair
Nous nous taisions.
Enfermés dans le bloc blanc de la nuit
N'avions-nous plus de points communs avec nous mêmes ?
Il manquera toujours à ma joie
L'instant où tout devient poudre de silence.
L'espace a refermé ses bras
Rien n'est étreint.
LE VENT
Le vent s'étale, plus ou moins calme
A la faveur des branches rassasiées
L'herbe mue et le chant se dresse nu
Au dessus
De l'épine dorsale de la mer.
C'est le vent géomètre qui calcule et qui parle
Le vent horloger de la peur qui s'installe.
MONSIEUR PRESQUE
Les choses sont-elles dérangées ?
Ont-elles été un jour rangées ?
Retrouver les choses à leur place millimétrée
Epluchées de la purée des mots
Obscure nécessité de la justesse
Exactitude de la patience
Rigueur du regard mouillé de reconnaissance
A l'infinitive de l'effacement
Presque au ras de la soupière du sol.
Répartition de la présence.
LE SOLEIL
Le soleil est mon arbre de midi
Aussi loin que la terre s'amoncelle
Je suis à l'ombre de sa nacelle
Où je rêve de Rawalpindi.
Dans la bicoque de la vie c'est vrai,
Gémir n'est pas de circonstance
Inventer mes fusées de plaisance
Ne fera pas de moi un ravi
Certes, mais il me faut le dire
J'aime le jour mieux que la nuit.
mercredi 30 Le poison de la terre est dans nos têtes
Cette terre qu'on brûle
Cette brûlure qu'on efface
Terre, tu n'appartiens à personne
Et personne ne t'appartient.
Tu es la lointaine présence
l'ombre portée de nos rêves passés
Tu es la maison où les pas ont eu lieu.
Les vertèbres du ciel vont-elles mourir?
Peindre
Je peins pour me comprendre, pour comprendre les autres, pour me faire comprendre;je peins pour comprendre ce que je fais et dire aux autres ce que je suis afin qu’ils se perdent avec moi dans les bois touffus de l’imaginaire, à travers l’éclair de quelques clairières.
Le peintre n‘a qu‘un message à adresser : « Regarde ce tableau », porte lui l’attention nécessaire car il se pourrait bien que tu y voies ce que moi-même je ne vois pas. Premier spectateur de mon tableau, à trop regarder cette image que je construis et détruis en la faisant, à force de dialoguer plus avec moi-même qu’avec lui, il peut m’arriver de ne plus le voir vraiment (en peinture).
Ce regard nous a protégé de la mort tout autant que les armes que nous avons forgées pour survivre et nous défendre. L’art, cette fiction nécessaire, s’est élancé parfois, surgissant plus ou moins nettement au flanc des années et des siècles.Ainsi la vie n’était plus la catastrophe qu’elle promettait d’être.
Je dirai donc que la tache de l’artiste est d’apprendre sans cesse à voir et à perfectionner sa vision, pour faire voir et faire imaginer, car c’est la même chose.
Nous vivons des temps où le regard sèche plus vite que l’encre sur le papier, or la sensibilité au monde et aux autres est notre plus ancienne conquête.
Bombardés d‘images nous subissons ce flux et nous en sommes aveuglés, sidérés ; aussi n’est-on plus capable de voir,
d’imaginer. Réapprendre à voir, nettoyer nos regards… Il s’agit de dynamiser,(dynamiter) l’imaginaire de celui qui regarde pour en faire un amateur au sens fort du terme, pour qu’il ose aimer la variété du monde et des tableaux du monde. Ainsi l’amateur et l’artiste, humides de sensations, humbles et joyeux se rejoignent, se supportent… et supportent la vie.